Diplomacy Machiavelli Diadoques Sengoku Jeux diplomatiques et Wargames : des jeux par e-mail

[Retour à la page précédente] [Sommaire]

L'INVASION DE L'ANGLETERRE

PAR LES NORMANDS

ET LES VIKINGS

Le 5 janvier 1066, le dernier roi de la vieille lignée saxonne, Edouard le Confesseur, mourut sans enfant. Sa mort précipita les événements qui changèrent pour toujours la face de l’Europe, l’invasion et la conquête de l’Angleterre par les normands. Depuis plusieurs décennies, les relations entre l’Angleterre, la Scandinavie et la Normandie avaient tourné en une suite de manoeuvres politiques, de petites guerres, de mariages et de morts prématurées. Ainsi, pendant qu’Edouard se mourait, quatre prétendants au trône attendaient leur heure. Harold, comte de Wessex, dont la famille convoitait le royaume qu’elle gouvernait en tout, sauf en nom, depuis plus de vingt ans. Son frère, Tostig, comte de Northumbrie exilé, dont les motifs se nommaient plutôt vengeance et brutalité. Harald Hardraada, roi de Norvège, qui avait de bonnes raisons de penser que l’Angleterre devait devenir possession scandinave. Enfin, Guillaume le bâtard, 7e Duc de Normandie dont les machinations politiques et militaires des quinze années précédentes l’avaient placé en position de saisir ce qu’il pensait lui revenir de droit. Le résultat du conflit entre ces quatre personnages devait modifier les structures politiques et religieuses de la Chrétienté Européenne.

la situation d’ensemble.

Au cours de l’année 1002, un mariage politique d’une importance capitale eut lieu. Ethelred II, roi d’Angleterre (connu aujourd’hui sous le nom d’ " imprévoyant " probablement parce qu’il n’était jamais prêt lorsque les Danois l’étaient), était préoccupé par le nombre des raids des vikings sur ses navires et sur la côte est. Pour aggraver les choses, les impudents Hommes du Nord, utilisaient les ports de Normandie, de l’autre côté de la Manche, pour radouber leurs navires.

Cet arrangement s’explique par le fait que les normands étaient, pour la plupart, des Hommes du Nord, qui avaient reçu en 911, avec leur chef Rollon, la partie nord de ce qui est maintenant la Normandie comme un fief donné par le roi de France, Charles le Simple, lors du traité de Saint-Clair-sur-Epte. Ce fut un gros travail pour les normands, mais cent ans après, ils avaient le contrôle du nord de la France et avaient étendu leur influence et leur contrôle aussi loin que la Sicile.

Il était évident que le seul moyen efficace pour Ethelred de combattre l’entente scandinavo-normande était une alliance politique, plaidée par le Pape Jean XV, sous la forme d’un traité de non-agression scellé par un mariage. Aussi, en 1002, la fille du Duc Richard II de Normandie épousa Ethelred cimentant ainsi le début des relations entre le royaume d’Angleterre et le duché de Normandie.

Le mariage n’eut, naturellement, aucune influence sur les projets des scandinaves vis à vis de l’Angleterre. En 1013, Sweyn Forkbeard, lança la plus grande invasion jamais entreprise, réussit à mettre en déroute les armées saxonnes d’Ethelred et se proclama lui-même roi d’Angleterre. Ethelred et Emma s’enfuirent à la cour normande à partir de laquelle, un an plus tard, Ethelred regagna l’Angleterre pour reprendre sa couronne au nouveau roi d’Angleterre, le fils de Sweyn, Canut le Grand. Tandis que le Duc Richard hésitait sur l’attitude à avoir envers Ethelred et son ex-allié scandinave, ce premier décéda. Sa veuve, Emma, en dépit de ses liens familiaux normands et des derniers mouvements politiques de son père, décida que son avenir était plus sûr en Angleterre. Elle se remaria avec l’usurpateur de son ex-époux, le roi Canut le Grand. Emma, qui avait été auparavant un pion dans les manoeuvres politiques d’Ethelred pour allier l’Angleterre et la Normandie, avait maintenant réussi le contraire, son mariage avec Canut scellait fermement ensemble l’Angleterre et la Scandinavie à la déception des turbulents et agressifs normands.

Alors que la puissance de Canut grandissait et s’étendait en Europe du nord, les relations entre l’Angleterre et la Normandie devinrent de plus en plus tendues. Le Duc Richard, qui mourut en 1026, fut remplacé par son fils, Richard III et un an plus tard, par son dernier frère, le Duc Robert Ier (célèbre non seulement parce qu’il fut le père de Guillaume, mais parce qu’il fut également le sujet de l’opéra faussement historique de Giacomo Meyerber, Robert le Diable, l’une des pierres angulaires du grand opéra français). Au cours de l’année de son accession, Robert devint le père de Guillaume, enfant naturel issu de sa liaison avec la fille d’un tanneur nommée Herlève (qui après la mort de Robert, réussit assez bien en épousant le vicomte de Conteville).

En 1035, Canut et Robert décédèrent, créant ainsi des problèmes importants de succession. Canut fut remplacé en Angleterre, par Harold Harefoot, car le successeur légitime (et ce mot est utilisé de propos délibéré à une époque où les lois de succession n’avaient pas encore été établies avec rigueur), HarthaCanut était au Danemark à cette époque. Toutefois, Harefoot s’aliéna ses partisans, lorsque de connivence avec son loyal allié Godwine, comte de Wessex, il fit assassiner l’un des fils d’Ethelred d’une manière si horrible que toute l’Europe en fut choquée (un exploit pour l’époque). Aussi, lorsque Harold Harefoot mourut en 1040, HarthaCanut fut de nouveau prétendant au trône. Les barons anglais, toutefois, n’étant pas vraiment satisfaits des événements des années précédentes, invitèrent le plus jeune fils d’Ethelred, Edouard, à rester à la cour. Lorsqu’en 1043, HarthaCanut, âgé de 23 ans, mourut alors qu’il buvait du vin dans une réunion locale, Edouard monta sur le trône d’Angleterre, sous le nom d’Edouard le Confesseur.

Jusqu’à ce qu’il soit invité en Angleterre, Edouard avait été mis à l’abri à la cour de Normandie. Son accession au trône devint un plus politique pour Guillaume, alors âgé de 14 ans, qui luttait pour son maintien comme 7e Duc de Normandie. Guillaume, sous la pression constante de ses barons peu disciplinés et menacés par des duchés rivaux, fit preuve d’un remarquable et précoce sens politique. Il arrangea une alliance avec son voisin Henri Ier, roi de France, pour protéger ses frontières au sud-est. De plus, Henri lui fournit une assistance militaire et, en 1047, Guillaume réprima la révolte des barons soulevés contre lui à la bataille du val des Dunes, près de Caen. Sa puissance fut alors sans égale à la suite de la campagne sans pitié de destructions de châteaux qu’il entreprit alors.

Edouard n’eut pas la même chance. Il fut assiégé politiquement par deux camps, les scandinaves et ses propres barons saxons. Magnus, le nouveau roi de Norvège (aidé par la vieille reine Emma), avait ses propres projets pour l’Angleterre, mais l’invasion prévue, heureusement pour Edouard, fut annulée à la suite de sa mort, en 1047.

Pendant ce temps, Edouard était tombé sous la coupe de son plus puissant baron, Godwine, comte de Wessex. Malgré leurs divergences politiques, Godwine força Edouard à épouser sa fille, Edith. Avec son second fils, Harold, nommé comte d’Essex, la famille de Godwine tenait virtuellement le contrôle de tout le sud de l’Angleterre. Edouard avait essayé de créer un cercle de normands influents autour de lui, mais il n’y réussit qu’en 1051, et alors il put agir contre la puissance grandissante de Godwine. Au cours de cette année, Edouard demanda à Godwine de réprimer une révolte locale. Celui-ci refusa et partit en guerre contre le roi. Cette fois, Edouard avait le soutien du Conseil Royal et Godwine fut obligé de s’enfuir en Flandres. Simultanément, Edouard répudia sa femme, Edith, la fille de Godwine.

Le dernier geste d’Edouard, ainsi que la disgrâce et la fuite de Godwine, créa un problème. Si Edouard n’avait pas d’enfant, qui lui succéderait? Le parent, de sang royal, le plus acceptable était Guillaume, le jeune Duc de Normandie. A la fin de 1051, alors que le triomphe d’Edouard sur Godwine semblait total, Guillaume, bien que cousin éloigné, fut nommé pour succéder au roi sur le trône d’Angleterre.

Le triomphe d’Edouard fut, toutefois, de courte durée. Godwine, avec ses fils Harold et Leofwine, contre-attaquèrent avec une démonstration de forces qui réussit complètement. Non seulement Edouard dut de nouveau admettre les Godwine à la cour royale avec leurs titres et leurs positions, mais on le pressa de reprendre Edith comme épouse. De plus, la plupart des conseillers d’Edouard et ses amis furent congédiés et exilés. La roue avait tourné une fois de plus et le roi était de nouveau prisonnier de ses propres barons. Avec Godwine dans la place et les normands au-dehors, la seule façon que Guillaume obtienne le trône était la conquête. En 1052, toutefois, Guillaume avait assez de mal à tenir ses propres barons et c’est une tâche qui l’occupera jusqu’en 1060.

En 1053, le comte Godwine décéda et son fils aîné, Harold Godwineson, lui succéda. Pendant quelque temps, Harold dut asseoir sa position de gouvernant de l’Angleterre. Lui-même, avec ses trois frères Tostig, Gyrth et Leofwine, contrôlaient pratiquement toutes les terres du royaume. Il ne s’écoula pas très longtemps avant que Harold ne commença à penser au moyen qui pourrait le mettre légitimement sur le trône. La soif de pouvoir de Harold n’affectait pas seulement les droits et les ambitions de Guillaume, mais également celles du nouveau roi de Norvège, Harald Hardraada, un gouvernant d’une grande ambition et d’une grande énergie. Hardraada se considérait comme le successeur légal du royaume d’Edouard principalement à cause de la revendication de HarthaCanut et du dernier pacte politique avec le père de Hardraada, Magnus.

En 1062, alors que Godwineson contrôlait l’Angleterre et que Hardraada commençait à bouger dans sa direction, Guillaume commença sa campagne pour la conquête du trône. Une série de problèmes de succession dans les duchés du Maine et du Vexin (en France), le força à prolonger une guerre de laquelle il sortit victorieux, modifiant par là l’équilibre du pouvoir en France. Avec le Maine sous son contrôle, son rival d’Anjou qui avait ses propres problèmes et le nouveau jeune roi de France, Philippe Ier, qui s’avérait incapable de faire valoir ses droits, Guillaume, en 1064, était libre de mettre sur pied un plan concernant l’Angleterre sans mettre son domaine en danger. Au début de cette même année, une série d’événements importants eurent lieu. Les détails exacts ainsi que les raisons de leurs circonstances sont très discutés, mais leurs résultats sont des faits historiques.

Cette année là, Harold voyagea dans les principaux pays d’Europe. Il est probable (et il est établi de bonne source) que Harold fut envoyé par Edouard en Normandie pour confirmer à Guillaume son statut de successeur. Les raisons pour lesquelles Harold entreprit une telle mission est une question intéressante. Très probablement, il lui fut simplement demandé de l’effectuer. Il est également possible qu’il la fit pour protéger ses arrières. En tout cas, pour le malheur de Harold, une tempête força son navire à accoster près de Saint-Valéry, où Guy, comte de Ponthieu, s’empara de lui comme naufragé, ainsi que le lui permettait une loi locale, et l’enferma dans la prison la plus proche.

La mésaventure de Harold fut l’occasion qu’attendait Guillaume. Comme Guy lui était quasi-vassal, Guillaume lui demanda à ce que Harold lui fut immédiatement remis (très probablement une petite rançon fut envoyée à Guy pour qu’il ne se sente pas dépouillé de sa prise). Harold fut traité avec grande dignité et en grande cérémonie par Guillaume. Avant d’être relâché, toutefois, Harold dut prêter son fameux serment de fidélité à Guillaume. La partie la plus importante de ce serment fut la reconnaissance par Harold de la succession de Guillaume sur le trône d’Angleterre.

Que Harold ait dû jurer sous la contrainte n’est que supposition. En tout cas, la position de Guillaume, pour la période de crise qui se préparait, était grandement renforcée. Avec Harold toujours à la cour et, à cause de son serment, étant son vassal, Guillaume avait saisi l’occasion d’utiliser Harold pour solidifier sa position sur le continent. A la requête d’un Riwallon de Dol, un rebelle breton, Guillaume envoya une troupe en Bretagne et battit le Duc de Bretagne, Conan II. Cette brève incursion mit fin à un autre problème potentiel aux frontières de Guillaume. De plus, sa politique en Bretagne eut pour résultat la formation d’une grande faction pro-normande dans ce duché, qui pourrait éventuellement lui fournir un grand nombre de soldats pour une troupe d’invasion.

Harold retourna en Angleterre à la fin de 1064, sa position de successeur étant grandement affaiblie. Ses ennuis, toutefois, ne faisaient que commencer. En 1065, son frère, Tostig, comte de Northumbrie pendant les dix dernières années (et une infâme brute si jamais il y en eut une), se trouva confronté à une révolte de barons locaux. Non seulement les rebelles réussirent à chasser Tostig de la région (il se sauva en Flandres), mais, avec l’accord d’Edouard, ils firent élire Morcar, un des ennemis politiques des Godwine, à la tête du comté. Alors que 1066, l’année de la décision, approchait, la position de Guillaume était devenue très forte, à la fois militairement et politiquement, tandis que Harold était contraint de tenir ce qu’il avait.

les preparatifs.

La mort d’Edouard, en janvier 1066, ne surprit personne. Elle mit les prétendants dans une activité fébrile.

Harold, en Angleterre, agit en premier et avec une rapidité exceptionnelle. Le 6 janvier, Edouard étant à peine enterré, le comte Harold Godwineson se déclara lui-même roi d’Angleterre (il fut, en réalité, couronné quelques jours plus tard). Harold n’était en aucune façon un successeur légitime. Il fut, toutefois, proclamé roi par un groupe de nobles et que ceux-ci aient été spécialement choisis pour cette tâche est toujours une question non résolue (Harold était au courant de l’éminence de la révélation du testament). Il y a quelques raisons de croire qu’Edouard, sur son lit de mort, désigna Harold comme roi. La situation de l’Angleterre était incertaine, avec Hardraada prêt à l’invasion et Tostig prêt à revenir, ce qui ranimerait les problèmes. Le besoin d’agir rapidement était de la plus haute importance et il ne faisait aucun doute que Harold était un dirigeant compétent.

Pendant ce temps, les nouvelles du coup d’état de Harold avaient traversé la Manche, vers la Normandie. Guillaume fut, pour parler sans violence, exaspéré. Il en conclut que bien que le trône lui revint légitimement, la seule façon pour lui d’avoir son dû était de le prendre par la force. Mais avant d’agir, aucun problème ne devait surgir en Normandie.

Sa première action fut d’effectuer une série de réunions avec sa noblesse. Les nobles étaient certainement impatients de risquer leur fortune pour les gains potentiels que leur offrait une telle entreprise et suivraient les plans de Guillaume en lui fournissant également des hommes et de l’équipement. Pour consolider plus fortement ses bases, Guillaume demanda à ses barons de prêter serment de fidélité à son successeur légitime, son fils Robert, comme futur Duc de Normandie (à la mort de Guillaume, Robert lui succéda en tant que Duc, son second fils, Guillaume " Rufus " II, devint roi d’Angleterre).

Guillaume fit ensuite appel au Pape pour approuver ses actions. La Papauté, en pleine réforme, se rangea du côté des arguments de Guillaume (Harold ne dit et ne fit rien à Rome pour sa propre défense), spécifiant que Harold et sa famille avaient agi honteusement dans le passé, citant la mort d’Alfred en 1036 et la rébellion de Godwine en 1051. Guillaume, pour sa part, disait qu’il avait passé des années à porter et à renforcer le message de l’Eglise et son pouvoir dans les différentes provinces et duchés français. Les arguments de Guillaume furent persuasifs et le Pape Alexandre II ne fut pas seulement d’accord avec sa demande de légitimité, mais il auréola son projet d’une aura de croisade. A cette époque où la religion et la politique étaient presque inséparables, c’était un très puissant gambit. La plupart des Maisons Royales d’Europe, spécialement celles du Saint-Empire-Romain d’Henry IV, offrirent leur aide. Un tel soutien ne s’était encore jamais vu et beaucoup de barons et de nobles se rassemblèrent autour de Guillaume. Aussi loin que l’on remonte dans l’histoire de l’Europe, la cause de Guillaume n’était pas une simple conquête, mais une invasion sacrée pour obtenir ce dont il avait droit.

Même avec tout cela, Guillaume devait agir vite. Des événements se passaient une fois encore et ils agitaient les eaux troubles de la position de Harold. Tostig en exil en Flandres et mécontent de l’accession de son frère au trône, décida d’agir par lui-même. En mai 1066, il quitta les Flandres (peut-être avec l’approbation de Guillaume) et partit pour l’île de Wight. Une fois sur place, avec argent et provisions, il rassembla en hâte une flottille d’invasion et commença à harceler les côtes du Sussex et du Kent. Harold répondit à cette menace en rassemblant une petite force à Londres qui partit contrer Tostig. Ce dernier l’apprit et cingla vers le nord pour débarquer à l’embouchure de la rivière Humbert. Il envoya ses hommes ravager la contrée, mais tomba dans une embuscade et fut écrasé par une troupe importante commandée par Edouard, comte de Mercie. Vaincu par cette défaite, Tostig trouva refuge auprès de Malcolm Conmore, roi d'Ecosse.

Bien que Tostig ne fut jamais un danger militaire réel, ses raids eurent un effet immédiat sur Harold. Suspectant qu’il n’avait pas agi de son propre chef, Harold en conclut que l’aventure de son frère faisait partie d’un plan d’invasion de Guillaume et que la partie principale de ce plan ne devrait plus tarder.

A ce point du récit, il faut comprendre la différence entre les systèmes militaires normand, de France, et saxon, d’Angleterre, systèmes qui étaient plutôt en défaveur de Harold. Le roi d’Angleterre était soumis à un système de milice nationale qui gênait grandement sa possibilité de planifier sa défense. Il existait deux corps de " soldats " dans l’Angleterre saxonne, les Housecarles et les Fyrds. Les premiers constituaient une force permanente quelque peu apparentée à des gardes nationaux. Ils étaient payés, étaient des soldats professionnels et reconnus comme la meilleure force de combat en Europe. Les Fyrds, toutefois, constituaient numériquement la principale force saxonne et était une milice nationale appelée en temps de crise pour un temps limité, en général 60 jours. La plupart des Fyrds, un groupe disparate d’environ 50 000 hommes disponibles, comprenaient des fermiers qui avaient autre chose à faire dans la vie. S’il n’y avait pas de combat lorsque leur service était terminé, ils rentraient simplement chez eux. La grande flotte saxonne de cette époque, était dans un tel état de délabrement qu’il avait fallu la remplacer par des navires privés et commerciaux qui obéissaient aux mêmes règles que les Fyrds. De plus, l’utilisation des châteaux (le système défensif pour lequel Guillaume et ses successeurs immédiats devinrent renommés), était virtuellement inconnue en Angleterre saxonne. S’il était vaincu, Harold serait limité par les défenses internes sur lesquelles il pourrait se retrancher.

Guillaume et les normands avaient un système militaire qui était, dans ses grandes lignes, féodal. Les barons et les évêques qui tenaient les terres en tant que vassaux du Duc, étaient tenus, en cas d’urgence, de fournir à celui-ci une quantité spécifique d’hommes et d’armement. Contrairement au système saxon, il n’y avait aucune limite de temps de service, qui était fonction des besoins du Duc. De plus, étant donné le succès des manigances politiques de Guillaume et la déclaration papale que son invasion prendrait la forme d’une croisade, il était capable de réunir un grand nombre de barons et de nobles étrangers, qui pour la plupart, en dehors des raisons religieuses, étaient attirés par le gain financier que leur rapporterait une campagne de victoires. Comme toute aventure financière, l’empressement de plus en plus de partisans à investir dans la future invasion, amena un nombre grandissant de chevaliers et d’hommes d’armes venant d’aussi loin que l’Italie du sud. Dans un sens, cette réunion de la plupart des nobles de France et de leurs voisins, avec l’adhésion du Pape Alexandre II, préfigurait les croisades qui commenceraient dans l’enthousiasme quelques trente ans plus tard. Il ne serait, par contre, pas exact de dire que l’armée entière de Guillaume était composée uniquement de nobles ainsi motivés. La majorité des hommes d’armes de Guillaume était des simples mercenaires loués.

En tous cas, le résultat des raids de Tostig, fut une mobilisation générale des Fyrds du sud par Harold, environ 12 000 hommes, avec qui il conforta petit à petit les défenses du sud de l’Angleterre. Au fur et à mesure de l'arrivée de chaque groupe de Fyrds, il envoyait ceux-ci sur des positions clefs le long des côtes du Sussex et du Kent. Puis à grands renforts de paiements et de persuasion personnelle, il leva une assez grande flotte et la basa sur l’île de Wight en prévision de l’arrivée de Guillaume. Bien que Harold fut exactement au courant que Harald Hardraada préparait également une invasion (Hardraada avait des relations avec Tostig et son hôte, le roi Malcolm), il pensait que Guillaume frapperait le premier et se préparait à cette éventualité.

Pendant ce temps, Guillaume faisait ses propres préparatifs. L’un de ses plus importants résultats suite à ses manoeuvres politiques passées, fut qu’il contrôlait alors tous les ports les plus importants du nord de la France. Ceci lui permettait de lancer son attaque depuis n’importe quel point de la côte forçant par là le roi Harold à étaler ses défenses. En mai, la construction d’une immense flotte d’invasion, la plupart financée ou fournie par les barons de Guillaume ou ses alliés, commença dans le port de Dives à l’embouchure de la rivière portant le même nom. Les vaisseaux étaient pour la plupart, construits selon les normes classiques des vikings. Ce n’était pas des vaisseaux de combat, mais plutôt des transports ressemblant à des vaisseaux de débarquement plus qu’à autre chose. De plus, il est important de remarquer qu’aucun des navires construits pour l’invasion ne fut armé ou ne fut un vaisseau de guerre. Guillaume voulait naviguer en convoi, sans escorte.

L’estimation la plus raisonnable du nombre de navires de la flotte d’invasion de Guillaume est d’environ 450 bâtiments d’après Fuller et va jusqu’à 700 d’après Lemmon qui basa son raisonnement sur les arguments avancés par le major général E. R. James au début du siècle. La plupart de ces estimations sont basées sur le nombre d’hommes et de chevaux que chaque vaisseau pouvait emporter, qui va de 9 à 40 selon le type de navire et selon l’auteur de l’estimation? Quoi qu’il en soit, la tâche immense à laquelle s’était attachée Guillaume lui prit presque quatre mois de préparation fiévreuse. Le 12 août, la flotte et l’armée de Guillaume étaient prêtes à faire mouvement. Le reste dépendait, comme cela fut le cas quelques 878 ans plus tard, du temps qu’il ferait sur la Manche.

Heureusement pour Guillaume, le temps refusa de coopérer. Pendant tout le mois d’août et jusqu’à la première semaine de septembre, la flotte et l’armée restèrent à Dives, les vents de la Manche refusant de souffler dans la bonne direction et rendant toute tentative de traversée impossible. Alors que Guillaume maintenait une stricte discipline par un entraînement intensif et un bon ravitaillement, Harold avait de gros problèmes. Non seulement la période des Fyrds était arrivée à son terme, mais Harold n’avait plus ni fonds, ni provisions pour garder son armée sur le terrain et sa marine à la mer. Alors que le mois d'août arrivait, il attendait toujours Guillaume. Finalement, le 8 septembre 1066, une date importante de l’histoire de l’Angleterre, Harold n’ayant plus ni ravitaillement, ni argent, démobilisa sa flotte et son armée. Les Fyrds rentrèrent chez eux et les Housecarles à Londres. Pire, la flotte de Harold, lors de son retour sur Londres, rencontra de forts vents et la plupart des bâtiments furent perdus. A la mi-septembre, le sud de l’Angleterre était pratiquement sans défense.

les invasions.

Le premier assaut ne vint pas du sud, comme on s’y attendait, mais vint de la mer du nord. Alors que Guillaume saisissait l’opportunité que lui offraient les saxons qui étaient rappelés, pour déplacer ses flottes le long de la côte normande jusqu’au port de Saint-Valéry (plus proche des côtes anglaises), Harald Hadraada attaqua.

Avec une flotte de trois cent navires et l’aide active de Tostig, qui le rejoignit lorsqu’il eut débarqué près de la rivière Tyne, Hardraada vogua vers le sud, jusqu’à Humbert, pour débarquer à Ricall, dans le Yorkshire. Pillant et saccageant tout en se dirigeant vers York, Hardraada fut accueilli à Gate Fulford, à environ 4 kilomètres de la ville, par les Fyrds du Yorkshire hâtivement rassemblés par Edwin et Morcar, les deux comtes du nord d’une allégeance douteuse envers Harold. Le 20 septembre, la première des trois grandes batailles de 1066 eut lieu à Fulford. On sait peu de choses sur ce qui arriva réellement ce jour là, la plupart d’entre elles provenant d’une histoire fortement romancée, la saga Heimskringle. Nous savons que ce fut une bataille importante et un combat brutal. Le résultat fut que Hardraada eut raison des Fyrds du nord au cours d’une bataille exceptionnellement sanglante. Les deux comtes du nord étant éliminés, Hardraada entra dans la ville de York où il fut accueilli avec enthousiasme (la famille Godwine n’était pas très populaire dans cette contrée). Après avoir pris des arrangements pour le contrôle de la cité, Hardraada et son armée revinrent au sud vers Ricall et la flotte.

Les nouvelles de l’invasion d’Hardraada et de la défaite des comtes du nord arrivèrent à Londres avec la force d’un coup de tonnerre. Ayant passé tant de temps à attendre l’arrivée de Guillaume, Harold, n’ayant plus beaucoup d’hommes d’armes sous la main (les Fyrds du sud avaient été démobilisés deux semaines plus tôt) et devait maintenant faire face à un ennemi aussi dangereux que celui qu’il s’attendant à voir traverser la Manche.

Il est difficile d’évaluer ce que fit Harold, non seulement pendant les jours qui suivirent, mais jusqu’au désastre qui fut la conclusion de la bataille d’Hastings. Les campagnes militaires en Europe, au Moyen-Age, ne furent pas remarquables par leur rapidité. Ce que fit Harold en septembre et en octobre 1066 est assez remarquable si on considère l’époque à laquelle cela s’est passé. Il ne fait aucun doute que si Harold l’avait emporté à Hastings (ce qui a bien failli se produire) il aurait alors été reconnu comme l’un des plus importants génies militaires du siècle.

Harold était maintenant pris entre deux armées d’invasion. Il n’avait pas d’armée sous la main, aucune flotte et pas de temps. Quoi qu’il fisse, il devait le faire rapidement. Naturellement, le problème immédiat était Hardraada. Il rassembla en hâte les Housecarles en leur ajoutant un contingent de Fyrds qui n’avaient pas encore été démobilisés et marcha vers le nord. Bien que Harold n’ait pas eu la totale utilisation de sa puissance en hommes, la taille de son armée sur le chemin de York était considérable. En plus des Fyrds, il avait environ 3 000 Housecarles, tous à cheval (uniquement pour se déplacer car ils descendaient de cheval pour combattre), plus quelques Fyrds qu’il rassembla le long de sa route. Au cours d’une série de dures et de rapides marches, il atteignit Tadcaster, juste au sud de York, en quatre jours, soit une vitesse de 65 kilomètres par jour. Le jour suivant, le 25 septembre, il se fraya un chemin au travers une légère arrière garde sur la rivière Derwent et rattrapa Hardraada et Tostig à Stamford Bridge. Ces deux derniers firent face à Harold, et pendant plusieurs heures, les deux armées se battirent au corps à corps. La pure sauvagerie et la supériorité des Housecarles saxons fut trop dure pour la force viking et, à la fin, Harold écrasa complètement les troupes de Hardraada, tuant à la fois ce dernier et Tostig. Quelques scandinaves échappèrent à la colère saxonne et seulement deux douzaines de navires vikings quittèrent Humbert intacts. Ce fut une victoire totale et une étonnante performance. Le jour suivant la bataille, Harold entra avec ses troupes à York pour prendre quelque repos et pour examiner la situation.

Les saxons avaient arraché la victoire de la gueule de la défaite. Les deux batailles (Fulford et Stamford Bridge) avaient toutefois infligé de lourdes pertes aux troupes de Harold. Les Fyrds du nord d'Edouard avaient été brisés à Fulford, si bien que pour combler leurs pertes, il faudrait du temps à Harold et cela les rendit incapables de lui apporter assistance à Hastings. De plus, Edouard et Morcar étaient des ennemis politiques de Harold et ils ne lui auraient pas offert une telle aide. A Fulford, ils s’étaient battus pour défendre leurs propres comtés plutôt que pour défendre le flanc nord de Harold. Enfin, si les Housecarles de Harold étaient à cheval et pouvaient réagir rapidement au débarquement de Guillaume, les Fyrds n’avaient pas de chevaux et leur capacité de marche vers le sud en temps utile pour apporter de l’aide, était très problématique. Plus important encore, la difficile bataille de Stamford Bridge avait sérieusement paralysé la puissance des Housecarles. Venant juste de sauver son royaume d’un désastre, Harold devait se préparer à faire face à une autre menace.

Alors que Harold récupérait avec ses troupes après la bataille, Guillaume se préparait à appareiller. Son principal problème était que ses vaisseaux de type viking nécessitaient un vent du sud pour traverser la Manche (au moins tant qu’il se trouvait à Dives). En se déplaçant vers le nord, le long de la côte jusqu’à Saint-Valéry, Guillaume se rapprochait de l’Angleterre et pouvait également utiliser une brise plus favorable venant du sud-est. Le vent tourna dans cette direction le 27 septembre 1066. Réagissant rapidement, car il était certainement au courant de l’invasion qui était survenue dans le nord de l’Angleterre, Guillaume avait ses navires prêts à la tombée de la nuit. Avec une vitesse et une coordination étonnante, la flotte entière appareilla et à 8 heures 30 au matin du 28, les côtes anglaises étaient en vue. Une demi-heure plus tard, le Duc Guillaume prit pied sur le sol d’Angleterre pour la première fois à Pevensey. La traversée avait eu lieu sans incident majeur. Seulement deux navires avaient été perdus, l’un d’entre eux contenant l’astrologue officiel du voyage. Guillaume haussa les épaules en apprenant cette nouvelle plus tard, déclarant que cela n’était pas une grosse perte car l’homme avait été incapable de prévoir sa propre perte.

 

De Prevensey, Guillaume fit mouvement le long de la côte, pour se rapprocher d’un port plus facilement défendable, vers Hastings. Le mouvement de la troupe semble avoir été quelque peu difficile à cause des marais et du manque de routes, mais il fut accompli en un temps minimum. La côte de cet endroit de l’Angleterre était légèrement différente de ce qu’elle est aujourd’hui, et la configuration de Hastings à l’époque, fournit à Guillaume un excellent point de débarquement sur lequel il pourrait revenir si besoin était. Guillaume n’avait, toutefois, pas l’intention de se confronter à Harold rapidement.

A la fin de septembre, quelques jours après son débarquement, Guillaume savait ce qui s’était passé à York. La victoire des saxons sur les Norvégiens l’avait probablement moins impressionné que le fait qu’une armée saxonne fatiguée se trouvait à plus de 400 kilomètres de lui. Guillaume réalisa également que l’invasion de Hardraada était un bienfait pour ses plans car elle avait distrait Harold juste au bon moment. Guillaume pensa, toutefois, qu’il ne serait pas très bon pour lui de ravager la région autour du Sussex en pillant villes et cités. Son principal objectif était de vaincre Harold sur le terrain, de détruire son armée et il devait le faire rapidement. Il ne pouvait pas se permettre de passer trop de temps sur la terre d’Angleterre, spécialement à cause de ses lignes de communications et de ravitaillement qui s’étaient sensiblement allongées. Guillaume devait amener Harold à se battre. A cette fin, il établit sa base au nord de Hastings et commença à dévaster les villages environnants, un acte cruel, mais calculé, qui devait amener Harold vers le sud. Et cela fonctionna.

Harold, se reposant à York, apprit le débarquement de Guillaume le 1er octobre. Une fois de plus, il devait se décider rapidement et prendre une décision qui aurait des effets durables. Harold savait que son armée n’était pas en condition pour soutenir une autre grande bataille. Les Housecarles avaient subi de fortes pertes à Stamford Bridge, la plupart des Fyrds étaient déjà rentrés chez eux et il ne pouvait pas recevoir d’aide de la part des troupes du nord qui avaient été choquées. On peut penser que la meilleure stratégie pour Harold aurait été celle qui aurait pu attirer Guillaume à l’intérieur des terres, désavantageant les normands en étirant leurs lignes de communications et en ayant l’avantage de faire reposer les Housecarles encore quelque temps ainsi que celui de rappeler les Fyrds. Avec un complément entier de Fyrds, même avec seulement ceux du sud et du centre, Harold aurait grandement dépassé Guillaume en nombre d’hommes. Mais Harold était un général courageux et impétueux qui avait eu de grands succès dans le passé en prenant des résolutions rapides (sa campagne de Stamford Bridge avait été identique à celle qu’il avait menée en 1063 contre Gruffyth à Llewelyn, au Pays de galles). Harold voulait détruire les normands et il sentait qu’il pourrait tirer avantage de la surprise suite à une avance rapide.

Le 2 octobre, immédiatement après avoir appris les actions de Guillaume, Harold rassembla les restes de ses Housecarles (probablement moins de 2 000 hommes) et il partit pour Londres. Avant de partir, il donna des ordres pour remobiliser les Fyrds. De manière réaliste, toutefois, il réalisa qu’étant donné la vitesse à laquelle il voulait avancer, la seule milice qu’il pourrait rassembler serait celle des côtes du sud. Il atteint Londres le 6, où il resta pendant cinq jours alors que des éléments des Fyrds le rejoignaient. Dans le même temps, il chercha où il pourrait le mieux rassembler ses forces pour un bref combat avec Guillaume.

Guillaume était encore près de sa base à Hastings, pillant et causant des ravages pour amener Harold à se battre. Harold savait que, comme la rivière Brede était difficile à traverser, si les normands se déplaçaient vers le nord, Guillaume devait emprunter la vieille route Romaine qui passait à onze kilomètres au nord de Hastings sur une petite hauteur du nom de Caldbec Hill où elle se fractionnait en deux à environ cent kilomètres de Londres. Harold ordonna à ses troupes de marcher au sud et de se regrouper à Caldbec Hill avant de s’engager contre Guillaume. Le second de Harold, son frère Gyrth, lui recommanda d’éviter le rassemblement si près de l’armée de Guillaume, mais Harold n’en fit rien. Sans attendre que l’armée entière soit rassemblée, mais laissant des ordres pour que les troupes qui viendraient plus tard se dépêchent de gagner Caldbec Hill, Harold, le 12 octobre avec son armée encore une fois hâtivement rassemblée, quitta Londres pour le Sussex. A la tombée de la nuit du 13, Harold arriva à Caldbec Hill (aujourd’hui le site de la ville de Battle) où il ordonna à ses troupes de se reposer.

Guillaume, connaissant par ses éclaireurs l’avance de Harold, su que le moment était arrivé. Pendant la nuit du 13, il fit ses préparatifs pour la bataille du jour suivant en déplaçant ses hommes jusqu’à Telham Hill, à dix kilomètres au nord de Hastings, sur la route de Londres et juste au sud du camp de Harold. Entre les deux armées, dans une petite vallée, se trouvait l’endroit où le destin de l’Angleterre allait se jouer.

la bataille.

La bataille de Hastings n’eut pas exactement lieu à Hastings, mais à quelques dix kilomètres de la ville, dans une région appelée Santlache par les saxons et que les normands appelèrent plus tard, Senlac. La position de Harold sur le bord nord de la vallée, se trouvait sur une hauteur appelée Senlac Hill. De cette position, le sol descendait doucement vers le sud pendant plusieurs centaines de mètres et remontait ensuite vers Telham Hill. Une petite partie marécageuse alimentée par un ruisseau, se trouvait au milieu de la vallée, et un petit monticule s’élevait à une centaine de mètres de Senlac Hill. La position de Harold était bien protégée sur les deux flancs par du terrain difficile, rendant les manoeuvres de flancs peu probables.

Le 14 octobre, le jour se leva à environ 5h00 et l’armée de Guillaume était prête et se mettait en marche à 6h00; Où était alors Harold? Nous savons que son plan était de surprendre Guillaume par la rapidité de sa propre attaque, encore que ce dernier était l’agresseur au matin de cette bataille. Il apparaît que les hommes de Harold arrivant à Caldbec Hill au milieu de la nuit, harassés après deux batailles et des marches rapides et sans fin, ne purent tout simplement pas attaquer les normands dans la nuit et qu’ils s’étaient endormis!

Harold, plaçant son armée en position trop tard pour marcher contre Guillaume, fit déplacer son armée d’environ 1,3 kilomètres au sud de Caldbec vers Senlac Hill en un endroit qui lui était familier ayant inspecté le Sussex l’été précédent. N’étant pas capable d’attaquer, Harold décida de s’arrêter en bloquant la route de Londres à Guillaume.

Les deux armées étaient, en dépit de leurs talents et de leur allure différente, très remontées au niveau de leur moral, de leur courage et étaient composées de nombreux hommes. Ceci fut démontré par le combat anormalement long qui suivit (il dura huit heures). Les normands étaient poussés en avant par la quasi-croisade à laquelle ils croyaient participer, ainsi que par le fait que la victoire leur apporterait richesses et terres. Pour les saxons, c’était très simple, ils combattaient pour défendre leur patrie.

Les estimations de la force des deux armées varient bien que deux sources différentes les situent à plus de 12 000 hommes chacune. Les armées du début de la période médiévale étaient extrêmement petites et le simple fait que Guillaume ait eut à transporter la sienne par mer réduisait encore sa taille. Il n’existe aucune estimation d’époque sur la force de Harold. Toutefois, nous savons exactement où il se trouvait et se battait et quelle était sa formation. A Senlac Hill, Harold plaça son armée le long du bord sud de la hauteur de Senlac Hill dans une sorte de phalange de neuf ou dix lignes de profondeur avec les Housecarles devant. Prenant la formation de mur de boucliers en général adoptée en défense par de telles formations, les 600 m de terrain à défendre et l’usuel front d’un mètre pour chaque homme (0,50 m pour la ligne de front), nous pouvons estimer la force des saxons à quelques 6 000 hommes, selon le général Fuller (qui se base sur des observations de l’historien Allemand W. Spatz, 1896). Lemmon place le chiffre plus haut, environ 8 000 hommes. Aucune estimation n’inclue les Fyrds qui restèrent en arrière durant les premières heures des combats.

Les normands, et les historiens sont en général d’accord sur ce point, avaient une force plus petite, bien que le fait de savoir de combien reste ouvert à la discussion (la plupart se basant sur les capacités de transport des navires de Guillaume). Nous adopterons l’estimation de Lemmon, qui la fixe à environ 8 000 hommes maximum. L’armée était composée de trois divisions séparées. La division bretonne, de 2 000 hommes, était menée par Alain de Bretagne. Le contingent franco-flamand, commandé par Roger de Montgomery ou par le beau-frère d’Edouard le Confesseur, Eustache de Boulogne (selon la source que vous prendrez) était la force la plus petite, environ 1 600 hommes. La division la plus forte (le centre) était normande, menée par les deux demi-frères de Guillaume, Odo, évêque de Bayeux et Robert, comte de Mortain, comprenait plus de 4 000 hommes. Les sources donnent souvent des chiffres tous différents ainsi que, parfois, des chefs différents. Il y a également des divergences sur les événements exacts qui se sont déroulés au cours de la bataille. Ce récit suit Beeler, Lemmon et Fuller.

Alors que Guillaume et son armée descendaient lentement Telham Hill et se dirigeaient vers la position saxonne de Senlac Hill à environ un kilomètre et demi, ses éclaireurs virent les fantassins saxons massés en ligne dans la plaine en dessous d’eux. Quelques sources spécifient que les saxons avaient construit des fortifications ou peut-être avaient placé des pieux devant leur position, mais cela n’est pas évident et le peu de temps dont Harold disposa ne plaide pas en faveur de cette affirmation.

Tandis que Harold rangeait ses gens en ligne de bataille, la colonne de Guillaume, d’environ quatre kilomètres de long, approchait par le sud. A environ 800 m là, Guillaume, suite aux rapports de ses éclaireurs avancés, vit qu’il se trouvait confronté à un petit problème, comment déployer ses troupes? La route qui partait de sa position vers celle de Harold à Senlac Hill, passait au travers d’une petite vallée le long d’une étroite bande de terre entre deux marais. Se déployer derrière supposait que ses hommes devraient les traverser. Placer son armée devant eux exposerait ses troupes à un tir possible de la part des archers saxons. Après un rapide coup d’oeil à la position et à la formation de Harold, il choisit pourtant cette dernière solution, probablement parce qu’il pensa que Harold n’abandonnerait pas une telle position forte pour attaquer. Il est également possible que les éclaireurs de Guillaume lui aient rapporté que l’armée de Harold avait très peu d’archers, ce qui diminuait le danger de se faire tirer dessus en cas de déploiement près des lignes ennemies.

A environ 8h00, Harold et l’armée saxonne virent l’armée de Guillaume descendre la route et commencer à se déployer à environ 150 m et à 15 m en dessous de Senlac Hill. Les bretons vinrent sur la gauche, les normands au centre et légèrement à l’ouest de la route, les franco-flamands à l’aile droite étaient de part et d’autre de la route, juste à gauche des marais et à la hauteur du flanc gauche de Harold. La formation adoptée au départ par Guillaume, était standard pour une armée de ce type. Ses archers formaient la ligne de front, ses hommes d’armes, le second échelon alors que la cavalerie, environ un peu moins d’un tiers de sa force totale, se tenait à l’arrière. Il semble certain qu’avec ce déploiement, le plan de bataille de Guillaume était d’utiliser ses archers pour affaiblir la ligne saxonne, puis déplacer ses hommes d’armes pour créer des cassures dans cette ligne qui seraient exploitées par la cavalerie. Toutes les attaques auraient alors été frontales, car les flancs de Harold étaient bien protégés par du terrain difficile sur chaque coté, annulant la mobilité et la capacité de frappe de la cavalerie normande.

Harold, de son poste de commandement au sommet de Senlac Hill, avait placé les ailes de son armée, commandées par ses deux frères Gyrth et Leofwine, et ses Housecarles en avant en formation mur de boucliers. Son problème tactique était de maintenir un front ferme sans que son armée soit prise de flanc. Comme les ravins et le terrain inégal sur sa droite et sur sa gauche le garantissaient plus ou moins contre cette dernière éventualité, il confia aux Housecarles la première mission. Le mur de boucliers était une formation identique à la phalange Macédonienne, mais purement défensive. La ligne de front, en général des Housecarles, serrerait ses boucliers pour présenter un mur solide aux attaquants. C’était une formation forte, mais posant quelques problèmes.

Pour utiliser le mur de boucliers, les Housecarles, à cause de l’étroitesse de leurs boucliers, devaient se tenir de coté. Cela annulait leur capacité d’utiliser leur hache à deux mains, et par là, diminuait leur capacité de rendre les coups. Pour cette raison, la formation en mur de boucliers était efficace la plupart du temps contre des flèches et également contre des assauts d’hommes d’armes. Contre des charges de cavalerie, le mur de boucliers était plutôt moins efficace que les haches et les épées saxonnes. En formation mur de boucliers, les Housecarles ne pourraient pas faire grand chose contre les charges de la cavalerie normande, sauf céder du terrain. La position saxonne, bien qu’étant sur une hauteur et étant gardée sur ses flancs, serait en difficultés face à une charge de cavalerie efficace.

A 9h00, les hommes de Guillaume étaient en place et prêts pour la bataille. Le jour était clair et le vent ne devait en rien gêner les deux armées. Les Dragons du Wessex de Harold et sa bannière personnelle " The Fighting Man ", faisaient face aux deux Léopards normands et à la bannière Papale. Pendant quelques minutes, les deux camps s’observèrent en silence, qui fut soudain rompu par une sonnerie de trompettes. Les archers normands s’avancèrent légèrement et la bataille s’engagea.

Les archers normands s’avancèrent à cent mètres de la ligne saxonne, à environ le maximum de la portée effective des arcs de l’époque, et tirèrent. Ils étaient, toutefois, à quelques 1 à 1,20 m en dessous des saxons et tiraient vers le haut, aussi leurs flèches eurent peu d'effet sur le mur de boucliers saxon et les flèches tirées au-dessus de la ligne de front saxonne firent peu de dommages parmi les Fyrds qui se trouvaient à l’arrière. Comme il y avait peu d’archers saxons, il n’y eut aucune réponse sous forme de tir de flèches. Ceci désavantagea les normands, car la pratique habituelle était de reprendre les flèches ennemies se trouvant sur le sol et de les lui renvoyer en lui tirant dessus. Aucune réponse à leur tir voulait dire que les archers normands seraient bientôt à court de flèches. Bref, les archers se montrèrent inefficaces.

Après l’échec des archers, Guillaume fit avancer ses hommes d’armes le long de la ligne de front. Alors que les fantassins avançaient parmi les archers faisant retraite, ils furent accueillis par une pluie de javelots, javelines, pierres et autres projectiles saxons. La férocité de l’attaque par projectiles, remarquée par les chroniqueurs, sembla surprendre les hommes d’armes. De plus, lorsque les bretons de l’aile gauche normande (qui avaient une assez bonne pente à grimper) atteignirent enfin les Housecarles, leurs fins boucliers se montrèrent inefficaces contre le poids et la puissance des haches de bataille saxonnes. Les Housecarles et la ligne de front Fyrd repoussèrent les bretons avec une rapidité foudroyante. Semblant incapables de se défendre eux-mêmes contre la contre-attaque saxonne, les bretons reculèrent en désordre, poursuivis par un groupe important de Fyrds. Les normands du centre, voyant leur flanc gauche exposé, firent également retraite pour garder leur ligne en ordre, ainsi que les franco-flamands de l’aile droite. Les hommes d’armes, presque tête baissée, se frayèrent un chemin parmi les chevaliers se trouvant sur l’arrière et, à court d’ordre, se trouvèrent en désordre et en pleine confusion. L’armée normande était alors en grand danger d’être déroutée.

La chance était dans le camp de Harold et celui-ci ne la saisit pas. Avec l’armée normande pratiquement toute entière prise de panique, eut-il ordonné aux Housecarles d’avancer qu’il aurait été fort possible que les archers normands et presque tous les hommes d’armes auraient été taillés en pièces. La cavalerie, qui probablement aurait pu éviter ce genre de désastre à cause de sa mobilité, aurait été privée du soutien nécessaire des fantassins et l’invasion de Guillaume se serait terminée. De plus, comme le centre normand était repoussé en désordre, le Duc Guillaume qui commandait depuis l’arrière fut momentanément submergé par la retraite et tomba de cheval. A cet instant, la bataille était très incertaine, la perte d’un commandant au cours d’une guerre médiévale classique signifiait la perte de la bataille. Si la nouvelle que Guillaume n’était plus à cheval s’était propagée, il ne fait aucun doute que la retraite des normands se serait transformée en fuite.

Guillaume, toutefois, récupéra rapidement. Il monta sur un autre cheval et enleva son casque pour que tous puisse le reconnaître. Il hurla à qui voulait l’entendre qu’il n’avait rien et que la victoire serait la sienne, puis il tournoya sur lui-même et ordonna aux chevaliers du centre de charger les Fyrds sur la droite. Les bretons étaient allés si loin en arrière (peut être même avaient-ils traversé la vallée marécageuse) que les chevaliers qui chargeaient pouvaient réduire en miettes les saxons en poursuite depuis le flanc. La réussite normande fut immédiate et le reste de l’armée se rallia. Beaucoup de poursuivant saxons furent tués et parmi eux Gyrth et Leofwine. Les autres furent forcés de fuir vers l’ouest où ils s’empêtrèrent dans les broussailles qui bordaient le terrain. Les deux camps se retirèrent ensuite sur leurs positions initiales pour prendre un peu de repos au cours duquel ils se refournirent en projectiles et prirent à manger et à boire. La première phase de la bataille était terminée.

Guillaume fit revenir ses archers et ses hommes d’armes, en ordonnant aux chevaliers d’attaquer tout le long du front de la ligne saxonne. Pendant peut être deux ou trois heures, les chevaliers de Guillaume se battirent pour escalader la hauteur afin de s’opposer aux Housecarles et à la ligne de front des Fyrds tous deux bien entamés. Les chevaliers avaient un désavantage très net, étant incapables d’obtenir l’élan nécessaire pour faire une charge réussie alors qu’ils tentaient l’escalade. Ceci les réduisit à frapper sans efficacité les boucliers saxons alors que ces derniers pouvaient leur infliger des dommages à l’aide de leurs grandes haches de guerre et de leurs épées. Encore et encore les chevaliers avancèrent péniblement vers le haut de la butte pour finalement être repoussés.

Puis un incident important se produisit, un incident qui a occasionné des discussions pendant des centaines d’années. A un moment de l’assaut, une partie de la ligne de Guillaume, harassée et épuisée par les pertes, fit demi-tour et prit la fuite. Une fois encore, des saxons les poursuivirent immédiatement. Ils n’avaient pas avancé très loin lorsque la cavalerie, reprenant ses esprits, fit demi-tour et leur tomba dessus. Le résultat fut un désastre pour les saxons qui ne pouvaient pas rivaliser avec les chevaliers au niveau du sol. Les pertes saxonnes furent terrifiantes et comme ils furent repoussés sur leurs positions de Senlac Hill, Harold fut forcé de raccourcir sa ligne de front en prenant sur ses flancs.

La grande question de cet épisode n’est pas son résultat, mais ce qui arriva et pourquoi. Pendant des années, les historiens médiévaux et modernes ont affirmé que la contre-attaque de Guillaume était prévue, la retraite feinte pensée par Guillaume et exécutée juste au bon moment. Plusieurs historiens récents et respectables comme Fuller et Douglas ajoutent foi à cette histoire. Des écrits récents, toutefois, tels que ceux de Lemmon et Beeler, révèlent la fausseté évidente d’une telle manoeuvre. Lemmon déclare avec pertinence :

" Une retraite feinte nécessiterait que chaque homme qui y participe sache exactement quand faire retraite, à quelle distance faire retraite et quand stopper sa retraite pour revenir se battre. Et de plus, il faudrait que ces mouvements soient parfaitement synchronisés ou un désastre en résulterait. Pour arranger cela dans le feu de la bataille alors que les hommes se battent au corps à corps pour leur vie est parfaitement impossible ".

Il est plus que probable que Guillaume qui, au début de la seconde phase, avait quitté son poste et avait rejoint le combat de ses troupes sur la ligne de front, réalisa que la première charge des saxons se répétait. Se rappelant ce qui était alors arrivé, il eut la présence d’esprit de regrouper ses chevaliers et de lancer une seconde contre-charge. Ce fut une affaire de troupes fraîches venant en aide aux camarades assiégés. Il est probable que la " fuite feinte " fut une histoire utilisée par les chroniqueurs pour excuser cette action.

Une autre question se pose. Etant donné les plans de Harold pour attaquer, pourquoi n’y eut-il pas une avance générale des saxons pour tirer avantage des deux circonstances au cours desquelles l’armée normande fit retraite? Les deux contre-attaques menées par les saxons furent faibles, locales et désorganisées. Beeler suggère que Harold ordonna, en fait, une poursuite générale. Le résultat probable fut que, un peu de la même manière qu’une retraite feinte est difficile à coordonner et à contrôler, l’avance générale ne réussit pas si les communications furent mauvaises. Avec tous les cris, les bruits et le fracas, un tel ordre est forcément ignoré par certains et exécuté par d’autres. Ainsi, au bon moment, seule une partie de la ligne saxonne se déplaça pour attaquer pour être fauchée par manque de soutien.

Les deux premières attaques n’ayant pas donné grand chose, Guillaume ordonna à son armée entière d’attaquer par un assaut coordonné. A ce moment, l’armée normande était sévèrement réduite en force, et beaucoup de chevaliers étaient forcés de se battre à pieds (les pertes parmi les montures étaient plus importantes). Pour leur part, les saxons avaient également subi des pertes considérables et furent forcés de réduire leur front exposant ainsi leurs deux flancs.

L’assaut final fut lancé à environ 14h30. Guillaume ordonna à ses archers, qui avaient remplacé quelques unes de leurs flèches au dépôt de munitions de l’arrière, d’utiliser un grand angle de tir permettant aux flèches de passer par-dessus les saxons en formation de mur de boucliers et de tomber sur les rangs arrières. Parce que les échelons arrières de la phalange saxonne étaient plus faibles et composés de Fyrds légèrement cuirassés, ce genre d’attaque eut un effet plus grand que l’attaque initiale. Plus tragiquement, pour les saxons, l’une de ces flèches tomba sur Harold lui-même, lui crevant un oeil. La blessure en elle-même n’était pas mortelle, mais beaucoup virent Harold tomber et l’annonce de sa blessure se propagea rapidement parmi les troupes saxonnes.

Au même moment, les bretons escaladaient rapidement la pente ouest de Senlac Hill, non défendue, et, en dépit d’une forte résistance des Housecarles, commencèrent à enfoncer l’aile droite saxonne. Lorsque Guillaume vit ce qui était arrivé, il ordonna à Eustache de Boulogne et à un contingent de cavalerie franco-flamande de charger par la pente est de Senlac. Ce second assaut fut également réussi et avec les deux flancs de l’armée saxonne tombant sous la pression normande, les Fyrds fuirent tête baissée vers l’arrière.

Les Housecarles, toutefois, refusèrent de se désintégrer. Ils se rassemblèrent en plusieurs groupes, chacun d’eux se battant avec quelque succès. Alors que le soleil commençait à décliner, l’un de ces groupes, gardant le poste de commandement et Harold blessé, fut pénétré par des francs menés par Eustache et Guy de Ponthieu. Ils repoussèrent rapidement les quelques Housecarles qui restaient, puis mirent Harold en pièces. Ce fut exactement à cet endroit que dix ans plus tard Guillaume fit construire la fameuse église " Battle Abbey ". Le soleil se couchant rapidement, la bataille se termina.

Les Housecarles continuaient à se battre en rangs serrés. Ils firent retraite lentement en bon ordre à environ 1500 mètres vers l’arrière dans une vallée encaissée boisée connue sous le nom de " Malfoss " (bien que certains historiens indiquent que cet endroit se trouvait à l’ouest de Senlac Hill, de récentes recherches tendent à le placer beaucoup plus au nord). Guillaume ordonna à Eustache de poursuivre les Housecarles et d’en finir avec eux. Eustache suivit les saxons vers Malfoss, mais voyant la déclivité et les épaisses broussailles de l’endroit et connaissant l’obstination des Housecarles, Eustache n’était pas disposé à engager ses troupes fatiguées. Guillaume fut d’une dureté impénétrable, toutefois, et Eustache fit ce qu’on lui demandait. Pour la dernière fois, les deux camps furent face à face, les normands subissant encore de lourdes pertes et parmi elles, Eustache lui-même. Mais les normands eurent le dessus et le contingent de Housecarles fut complètement détruit. A ce moment, quelques instants après 17h30, il faisait complètement nuit. Aucune poursuite n’était possible. La bataille était terminée.

les suites et la conquête.

Après une journée prise pour ensevelir les morts et une courte période de repos, Guillaume et son armée malmenée retournèrent vers la sécurité des fortifications de Hastings pour évaluer son succès et la situation. Bien qu’il sut avoir gagné une grande victoire à Senlac Hill, Guillaume était également conscient que son armée était en mauvais état et que les saxons pouvaient appeler encore plus d’hommes que ceux auxquels il avait fait face. De plus, Guillaume ne savait pas comment les barons, certainement divisés dans leur loyauté envers Harold, réagiraient. En bref, y aurait-il une opposition saxonne en Angleterre et où et quand se manisfesterait-elle?

Il y eut, en fait, une légère opposition. Après s’être reposé pendant 5 jours à Hastings, Guillaume une fois encore rassembla son armée, la divisa en trois parties et monta vers le nord. Son objectif était d’occuper les trois capitales effectives de l’Angleterre saxonne, Winchester, la vieille capitale et siège du Trésor, Londres, la cité clef du commerce et l’endroit où étaient rassemblé les nobles et Canterbury, la capitale religieuse.

Guillaume se dirigea en premier directement à l’est, vers Douvres où le château exceptionnellement fort et construit récemment se rendit sans combat. Il y eut une courte marche vers Canterbury où Guillaume remplit sa promesse faite au pape Alexandre II, en restaurant la suprématie papale sur le monde ecclésiastique anglais. De là, il se rendit vers l’ouest, prit Winchester et reçut quelques renforts au port de Chichester vers le sud. Puis, il se tourna au nord et là l’ouest de Londres acceptant la reddition des villes les unes après les autres. Ses déplacements furent si rapides qu’il n’eut probablement pas le temps de faire de grosses dévastations bien qu’il dût certainement agir rapidement et férocement pour réduire toute poche suspectée de résistance. Toute résistance fut réduite au mieux, ne trouvant aucune armée anglaise sur le terrain et les nobles saxons semblant paralysés, Guillaume montra que sa force était suffisante pour s’emparer de tout le sud-est de l’Angleterre.

Finalement, le 25 décembre 1066, les bourgeois de Londres rendirent la cité à Guillaume et celui-ci fut couronné roi d’Angleterre par Earldred d’York à l’abbaye de Westminster. Sa demande pour le trône avait été reconnue.

Ceci ne mit pas fin à la conquête, bien que la position de Guillaume fut forte. Pendant les trois ans qui suivirent, Guillaume combattit à l’ouest et au nord, réduisant des révoltes locales et dévastant les régions pour prévenir toute opposition. Dans chaque emplacement important, il construisit un château et en 1070, il sentit qu’il devait s’emparer de l’Ecosse et força Malcolm à lui rendre hommage.

 

Pendant ce temps, il changea le système politique de l’Angleterre. Préfigurant la forme française du fief libre, il déclara que le seul noble auquel on devait déclarer fidélité, était le roi. Il s’arrangea aussi pour laisser ses barons isolés afin qu’ils ne puissent pas se grouper pour le contrer. Puis il informa l’Eglise Romaine qu’il était le souverain en Angleterre et que toute reconnaissance de l’autorité de Rome était entièrement de son ordre. En 1080, le pape, Grégoire VII demanda à Guillaume un serment de fidélité à l’église. Guillaume refusa carrément obtenant ainsi l’indépendance prit par l’église d’Angleterre. Au moment de la mort de Guillaume, le 9 septembre 1087, il ne faisait aucun doute que ce fut le gouvernant le plus puissant de l’Europe.

Dans l’histoire de l’Angleterre, Hastings est la bataille la plus importante qui eut lieu sur son sol (et peut être la plus importante tout court). Le cours de son développement, de sa religion et de ses relations avec la communauté européenne fut modifié pour toujours. Au lieu de devenir un état scandinave de l’extérieur, elle devint une grande puissance de l’Europe Occidentale alors que la puissance et l’influence des vikings diminuaient dans les années qui suivirent. La politique intérieure de Guillaume fut un modèle pour beaucoup de gouvernants qui tentèrent de l’appliquer dans leur propre royaume.

A Hastings, deux des capitaines militaires les plus fameux du moment se battirent pendant huit heures. Ils avaient tous les deux des capacités exceptionnelles. Mais à Hastings, ce fut Guillaume qui força la chance. Alors que Harold rata deux opportunités pour en finir avec les normands, Guillaume intervint en personne auprès de ses hommes et ses décisions tactiques furent décisives. Ce fut la confrontation de l’ancien système et du nouveau, et pendant presque un jour entier, les deux armées d’une composition entièrement différente prouvèrent qu’elles étaient à égalité.

A la fin du 14 octobre 1066, toutefois, les Normands gouvernaient l’Angleterre. Les fondations de ce que laissait Guillaume en ce jour furent si fortes, que quelques 920 ans plus tard, un descendant direct de sa lignée est encore assis sur le trône d’Angleterre.

 

D’après Richard Berg - Strategy & Tactics n°110 (Novembre/Décembre 1986)

Traduit par Claude Boursin :